La musique, les effets sonores et les technologies numériques dans le cinéma de science-fiction contemporain - Texte 2
Celle-ci reprend le dessus à 35 secondes et ne s’arrête qu’à 1 min 57 s, quand cesse la fusillade. Dans ces exemples et bien d’autres, l’intrigue laisse momentanément place à une expérience sensorielle où le son prime sur le visuel.
Pour bien des Américains, certains genres tels que le hip-hop ou la musique d’ascenseur ne sont que du bruit, et les bruits feutrés de la vie quotidienne passent inaperçus. Ces auditeurs apprécient des bandes sonores claires, facilement perceptibles, et qui ne s’affichent pas comme « artificielles » (c’est-à-dire « produites par ordinateur »). La plupart des albums de Matrix sont composés exclusivement de tubes connus dont des extraits sont joués dans le film : Rock is Dead de Marylin Manson, Bad Blood de Ministry, Wake Up de Rage Against the Machine et d’autres titres décapants. Les pistes de la bande originale générées par ordinateur ont eu moins de succès, suggérant que le film s’adresse avant tout aux amateurs de musique pop qui apprécient les combats stylisés et spectaculaires entre les bons et les méchants, dans un esprit inspiré de l’univers des jeux vidéo.
La technologie numérique permet aussi de « repenser l’expression du silence », en rendant possible « l’utilisation de sons extrêmement subtils, comme des bruits d’ambiance très feutrés, juste au-dessus du seuil d’audition[7] ». Contagion (Steven Soderbergh, 2009) exploite très bien ce registre. Dans une scène qui débute à 25 min 55 s, une épidémiologiste (Kate Winslet) demande à l’époux (Matt Damon) d’une des premières victimes de la pandémie (Gwyneth Paltrow) si celle-ci aurait pu avoir des raisons de quitter l’aéroport durant une escale de plusieurs heures à Chicago. Dans cette séquence, les personnages parlent peu, la musique est absente, mais un bourdonnement discret s’intensifie légèrement à mesure que grandit la colère de l’époux, inquiet à l’idée que sa femme ait rencontré un ancien amant en rentrant de voyage. Dans la dernière scène du film, les bruits de jungle sont entièrement remplacés, à la vingtième seconde, par une piste sonore métallique aux accents technos. Cette musique accompagne le parcours d’un porc infecté depuis l’élevage jusqu’aux cuisines d’un casino de Macao, puis elle se prolonge sur un dernier plan montrant l’épouse du mari inquiet tandis qu’elle serre chaleureusement la main du chef dont le tablier est couvert de sang contaminé.
