Une caméra au musée, avec les autres vivants - Texte 3
Les projets d’exposition naissent de sources diverses : chercheurs, employés, concepteurs, membres du musée ou simples visiteurs. Dépositaire de plus de trente millions d’objets et spécimens, notre musée cherche avant tout à faire connaitre les histoires se cachant derrière ces objets ainsi que les découvertes scientifiques que ces derniers ont favorisées. Or l’histoire de la caméra Akeley est à la fois belle et intimement liée aux sciences de la nature. Aussi, quelques semaines après la réception de notre nouvelle acquisition, Jaap suggère d’y consacrer une exposition. Intitulée provisoirement « Akeley Camera Show », celle-ci est prévue pour juillet 2018.
En général, une exposition naît d’une simple idée qui se transforme en proposition. Viennent ensuite la conception, le développement (la phase la plus longue qui consiste à planifier le déroulement et l’ampleur de l’événement, la sélection des objets, l’organisation spatiale, la rédaction du scénario et des textes d’accompagnement dont les étiquettes, le choix des sons et de la musique, les vitrines et socles, les finitions, les plans de conservation et bien d’autres choses) et pour finir la production et l’installation. Dans ce cas-ci, Janet Hong, nommée directrice de projet plus tôt dans l’année, supervisera la logistique tandis que Ryan Schuessler, à titre de « développeur », se chargera de la conception et de la rédaction. J’assume pour ma part le rôle de « premier conseiller en matière de contenu ». Le lieu proposé est la Brooker Gallery, une petite galerie généralement réservée aux objets appartenant à la bibliothèque et aux archives du Musée. En raison de ses dimensions (environ 800 pieds carrés) et de sa vocation, cette galerie permet d’exposer un nombre limité d’objets. Compte tenu de ces facteurs et de la nécessité de relier le thème de notre exposition à l’histoire naturelle, Ryan et moi décidons, en toute logique, de mettre en lumière le lien entre la caméra Akeley et l’obsession de son concepteur pour la reproduction de la nature, et ce en offrant un exemple de chacun des médias qu’il a mobilisés à cette fin : le cinéma, la photographie, la sculpture, la taxidermie. Par bonheur, les ressources sont à portée de main. Outre notre récente acquisition, les Archives photographiques rassemblent près de mille négatifs sur verre provenant des expéditions qu’Akeley avait réalisées pour le musée en 1896 et en 1906. Nous avons aussi plusieurs petites sculptures en bronze qu’il a exécutées à la fin des années 1910 et au début des années 1920 (et trois autres grandeur nature représentant des lions harponnés, des pièces beaucoup trop volumineuses pour notre salle !). Le musée détient aussi quelques taxidermies montées par ses soins, d’une taille plus adaptée à l'exposition.
Une fois le concept approuvé, le projet se concrétise. La première étape clé consiste à sélectionner les objets. Thomas Gnoske, chef préparateur et directeur associé aux collections d’oiseaux (qui fait aussi de la taxidermie et qui connait bien l’histoire de cette pratique) et moi avons un animal précis en tête pour illustrer la taxidermie : un mouflon de Stone appartenant à un ensemble créé par Akeley en 1899 et démantelé à la fin des années 1980. Les dimensions du spécimen conviennent bien à la taille de nos supports et, plus important encore, celui-ci porte la signature d’Akeley : l’animal est saisi alors qu’il mordille une de ses pattes arrière pour se gratter. En effet, en matière de taxidermie, Akeley fit œuvre de pionnier, préférant aux habituelles représentations statiques et inexpressives, des poses dynamiques, voire parfois fantasques. Tom surnomme ces tropes « les excentricités d’Akeley ». Une évaluation du mouflon de Stone révèle toutefois quelques dommages causés par des insectes et d’autres défauts. Le musée engagera Scott Kuipers et Doug Petrousek, taxidermistes commerciaux, qui répareront le spécimen gracieusement, avec l’aide de Tom.
